Déroulement de la procédure en matière de viol.
L’enquête
Informé de votre plainte, le procureur de la République ordonne une enquête de police ou de gendarmerie. Dans ce cadre, vous allez être convoquée, peut-être à plusieurs reprises, pour toutes les questions destinées à clarifier les circonstances du viol.
Si l’agresseur vous était inconnu et que plusieurs suspects ont été interpellés, on peut vous demander de le reconnaître sur des photographies ou derrière une glace sans tain.
Une fois que le mis en cause, connu ou inconnu, a été identifié, il est interrogé par les enquêteurs, éventuellement dans le cadre de ce qu’on appelle une « garde à vue ». Il peut y avoir perquisition à son domicile ou son lieu de travail et saisie d’objets, qui seront placés sous scellés.
S’il nie les faits, on peut vous proposer une confrontation qui permettra aux enquêteurs de confronter votre version des faits à celle de l’agresseur. Vous pouvez refuser la confrontation ou demander à ce qu’elle ait lieu devant le juge d’instruction, en présence de votre avocat.
Si l’agresseur vous était inconnu, cette période d’enquête peut être plus ou moins longue. Mais la recherche et l’identification du mis en cause sont aujourd’hui facilitées de deux façons.
Les enquêteurs vont procéder à la comparaison informatique de votre déposition avec celles d’autres victimes, éventuellement du même agresseur. On parle de recoupement de modes opératoires. En effet, un agresseur opère souvent de la même façon avec plusieurs victimes.
Si votre dossier comprend les traces ADN de l’agresseur, elles vont pouvoir être comparées au fichier informatique d’empreintes génétiques des agresseurs sexuels déjà condamnés.
Dans tous les cas, la police ou la gendarmerie doit vous informer de votre droit à vous constituer partie civile et à obtenir réparation du préjudice subi, ainsi que de la possibilité d’être aidée et conseillée par une association locale d’aide aux victimes, dont les coordonnées doivent vous être communiquées au moment où vous déposez votre plainte.
L’enquête est, ensuite, transmise au procureur de la République ou à son substitut. C’est le magistrat qui va qualifier juridiquement les agressions et décider ou non des poursuites.
Au vu du dossier, le procureur décide :
Soit un classement sans suite, si l’agresseur n’a pas été retrouvé ou si le procureur considère qu’il n’y a pas assez de preuves ou d’éléments significatifs. Cette décision ne signifie pas que les agressions n’ont pas eu lieu, mais que la justice ne dispose pas de suffisamment d’indices pour en établir la preuve formelle. Ce classement vous sera notifié et motivé par écrit. Si vous n’avez pas reçu de courrier, il vous appartient alors de téléphoner au bureau d’ordre pénal du tribunal de grande instance saisi de votre plainte. À l’aide de votre numéro de plainte, on pourra vous dire quel est son devenir. Si vous n’acceptez pas ce classement sans suite, vous pouvez vous constituer partie civile auprès du doyen des juges d’instruction qui rouvrira l’enquête. Dans ce cas, il vous sera nécessaire de demander le concours d’un avocat.
Soit une instruction, en confiant votre affaire à un juge d’instruction qui vous convoquera afin d’approfondir l’enquête.
Soit un renvoi direct au tribunal correctionnel, s’il s’agit d’un délit (agression sexuelle autre que le viol), si le procureur estime que l’enquête de police ou de gendarmerie a fourni suffisamment d’éléments pour poursuivre immédiatement le mis en cause.
L’instruction
C’est une étape essentielle où le juge d’instruction recueille tous les éléments nécessaires à la manifestation de la vérité, afin qu’au moment du procès, le tribunal ou la cour jugent en connaissance de cause. Pendant l’instruction, seul un avocat familier de ce type de contentieux saura vous assister et vous expliquer la nécessité et la portée des différents actes.
Le juge d’instruction
Le rôle du juge d’instruction est :
De rechercher la vérité par tous les moyens (enquêtes, expertises, auditions, comparutions...).
De capitaliser le plus grand nombre d’informations pour permettre au tribunal ou à la cour de prendre sa décision en toute connaissance de cause (le juge d’instruction instruit à charge et à décharge).
De décider, au vu de ces informations, du statut du mis en cause jusqu’au procès.
Celui-ci peut soit être mis en examen (en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire), s’il existe des indices précis et concordants de sa culpabilité, soit devenir témoin assisté, s’il existe de simples indices de culpabilité.
En cas de mise en examen, le juge d’instruction peut décider de saisir le JLD d’une demande de placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire.
Dès le début, le juge d’instruction vous avertira de l’ouverture d’une information judiciaire (ou instruction) et de votre droit à vous constituer partie civile.
Il vous convoquera au palais de justice et vous ré-auditionnera sur les faits. Il a en sa possession votre plainte, les déclarations de l’agresseur et toute mesure prise durant l’enquête préliminaire de police ou de gendarmerie.
En confrontant votre déposition et celle de l’agresseur, il cherche à tirer au clair les divergences et les contradictions dans le récit des faits, afin d’établir sa propre conviction.
Vous pourrez énoncer à nouveau devant lui tous les éléments qui attestent votre non-consentement et qui doivent permettre de confondre l’agresseur (le chantage, les menaces, les violences de l’agresseur ; vos mots ou gestes pour vous défendre ou votre peur, votre surprise et votre paralysie).
Si l’agresseur ou son entourage a fait pression sur vous pour que vous ne portiez pas plainte ou que vous la retiriez, faites-en part au juge. Il s’agit là d’une autre infraction pénale.
Le juge d’instruction peut aussi ordonner :
Une confrontation avec l’agresseur. La décision de vous constituer partie civile vous permet d’y être accompagnée par un avocat. Vous serez ainsi en position d’égalité face à l’agresseur qui, lui, comparaît obligatoirement avec un avocat. Sachez que, lors de la confrontation, c’est le juge d’instruction qui posé les questions aux parties. C’est à lui que vous avez à répondre et non directement à l’agresseur.
Une audition de témoins (par exemple, les personnes à qui vous vous êtes confiée, l’association de victimes à laquelle vous avez parlé...), qui peuvent tous confirmer votre version des faits et les préjudices qu’ils ont occasionnés pour vous.
Une reconstitution des faits, de façon exceptionnelle, avec transport sur les lieux.
Une expertise psychiatrique et psychologique. Le juge d’instruction demande à un psychiatre ou à un psychologue de l’aider à apprécier les séquelles qu’a entraînées pour vous l’agression. L’expertise en dressera un tableau précis qui sera utile, notamment, pour formuler votre demande d’indemnisation.
Une enquête de personnalité. Elle est effectuée par la police ou la gendarmerie, à la demande du juge d’instruction, auprès de votre entourage. Cette enquête peut permettre au juge de recueillir des informations de tiers qui confirment le bouleversement qu’a suscité l’agression dans votre vie ainsi que votre propre ressenti.
Ces investigations permettront au juge d’instruction de mieux appréhender le préjudice subi.
Une expertise médicale. Il est rare que le juge d’instruction en ordonne, car l’expertise a généralement été réalisée au moment de l’enquête préliminaire.
La phase d’instruction peut être longue. Toutefois, conformément à la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 sur le renforcement de la présomption d’innocence et les droits des victimes, tous les six mois, le juge d’instruction doit vous informer de l’avancement du dossier.
Si, au bout d’un an (s’il s’agit d’une agression sexuelle autre que le viol) ou de 18 mois (s’il s’agit d’un viol), le juge d’instruction n’a pas donné un terme à son travail, vous êtes en droit de lui demander de clore l’instruction. Toutefois le juge peut décider de prolonger l’information judiciaire, ce que vous pouvez contester devant la chambre d’instruction qui tranchera.
A la fin de l’instruction, le juge d’instruction, après avoir soumis le dossier au Parquet du procureur, peut :
Soit conclure à un non-lieu s’il considère qu’il n’y a pas lieu de poursuivre. Comme en matière de classement sans suite (cf. p. 24), cette décision ne signifie pas que l’agression n’a pas eu lieu mais que le juge d’instruction n’est pas parvenu à rassembler des preuves suffisantes pour identifier formellement l’agresseur ou le traduire en justice, s’il a été retrouvé. Il peut également prononcer un non-lieu s’il estime que le mis en cause n’était pas, pour des raisons psychiatriques (démence, psychose...), responsable de ses actes au moment de l’agression. On parle alors d’irresponsabilité pénale de l’agresseur, conduisant à un traitement ou à un internement psychiatrique et non à une sanction. Vous pouvez faire appel de cette décision devant la chambre d’instruction (ex-chambre d’accusation) dans un délai de 10 jours à compter de sa notification.
Soit transmettre le dossier au tribunal correctionnel, s’il a pu rassembler suffisamment d’éléments qui indiquent que le mis en cause est à l’origine des agressions sexuelles autres que le viol que vous avez dénoncées. En effet, ces infractions sont des délits qui doivent être jugés au tribunal correctionnel.
Il peut aussi arriver que le juge d’instruction ou le Parquet demande votre avis et celui de votre avocat pour une « correctionnalisation », Il s’agira alors de considérer le viol dont vous avez été victime non plus comme un crime mais comme un délit, et de le juger non plus aux assises mais au tribunal correctionnel. Les motifs avancés par le juge d’instruction ou le Parquet peuvent être de diminuer la longueur et la lourdeur de la procédure, ainsi que d’éviter le risque d’un jury populaire aux assises, moins sensibilisé à la réalité et à la gravité des violences sexuelles que les juges professionnels en correctionnel. Prenez le conseil de votre avocat avant de refuser éventuellement la correctionnalisation.
Soit transmettre le dossier à la chambre d’instruction. C’est la règle quand il s’agit d’un crime de viol qui doit être jugé aux assises.
Dans tous les cas, le juge d’instruction fait connaître sa décision par une ordonnance (de non-lieu ou de renvoi devant le tribunal correctionnel ou de mise en accusation devant la chambre d’instruction).
La chambre d’instruction
La chambre d’instruction (anciennement nommée d’accusation) exerce un contrôle sur l’information judiciaire menée par le juge d’instruction. Elle a les mêmes pouvoirs de décision que celui-ci. C’est la chambre d’instruction qui examine vos requêtes dans les situations où, en tant que partie civile, vous faites appel des décisions du juge d’instruction (refus d’expertise ou de contre-expertise, refus d’audition, de déqualification, de non-lieu).
Elle peut :
Soit renvoyer le dossier devant le juge d’instruction pour effectuer d’autres actes d’instruction.
Soit confirmer le non-lieu, le renvoi en correctionnel ou devant les assises.
Soit renvoyer aux assises des infractions qui auraient été déqualifiées.
Le procès
Le tribunal correctionnel est la juridiction chargée de juger les délits d’agressions sexuelles autres que le viol. Il est composé de trois magistrats professionnels.
La cour d’assises est la juridiction habilitée à juger les crimes de viol. Elle est constituée de trois magistrats professionnels et d’un jury populaire (six citoyens et citoyennes tirés au sort, neuf en cour d’assises statuant en appel).
Le déroulement de l’audience
Si vous le souhaitez, vous pouvez en tant que partie civile demander le huis clos, c’est-à-dire l’absence du public de la salle d’audience jusqu’à la fin des débats. Par public, il faut entendre la presse et des inconnus, mais aussi votre famille (sauf si vous êtes mineure), vos amis. Vous resterez toutefois accompagnée par votre avocat. Vous pouvez aussi demander un huis clos partiel, c’est-à-dire l’absence du public lorsque vous prendrez la parole uniquement. Sachez que, devant la Cour d’assises, le huis clos est de droit quand la victime, partie civile, le demande.
Au tribunal correctionnel, le huis clos est soumis à l’appréciation du tribunal qui peut le refuser.
Lors du procès, les personnes appelées à témoigner ou à être interrogées à la barre se succèdent en général dans l’ordre suivant : mis en cause, partie civile, experts, témoins. Puis l’avocat de la partie civile prend la parole, suivi du procureur de la République, dans ses réquisitions, résume les charges qui pèsent sur le mis en cause et réclame à la juridiction de le sanctionner (ou non) en demandant une peine. Enfin, les avocats du mis en cause plaident en faveur de leur client.
Au tribunal correctionnel, les magistrats mènent les débats en s’appuyant sur le dossier écrit de l’enquête et éventuellement de l’instruction qui leur a été transmis.
A la cour d’assises, les jurés, à la différence des magistrats n’ont pas connaissance du dossier écrit. Toute l’enquête est alors ré-évoquée oralement à l’audience. C’est la raison pour laquelle un procès aux assises occupe généralement un à trois jours, tandis qu’un procès en correctionnel se déroule sur quelques heures.
Le jugement ou arrêt
La sanction encourue par l’auteur d’un viol peut atteindre les plafonds maximaux de 15 ans, 20 ans, 30 ans ou perpétuité, suivant les circonstances et les conséquences de l’agression pour la victime.
La sanction encourue par l’auteur d’une agression sexuelle autre que le viol peut atteindre les plafonds maximaux de 5 ans, 7 ans, 10 ans ou 20 ans suivant les circonstances et les conséquences de l’agression pour la victime.
Cette peine d’emprisonnement peut être assortie d’un sursis simple ou avec mise à l’épreuve (elle n’est partiellement ou totalement exécutée que si l’auteur de l’infraction récidive) ou de peines complémentaires (par exemple, l’interdiction temporaire ou définitive d’exercer une activité en contact avec des mineurs, l’interdiction des droits civiques, civils et de famille, l’interdiction de séjour sur le département où réside la victime, l’obligation d’un suivi socio-judiciaire impliquant éventuellement une injonction de soins, etc.).
Au tribunal correctionnel, le jugement de culpabilité n’est pas immédiatement prononcé. Le tribunal se prononcera sur la peine et l’indemnisation à une audience dite de « délibéré », à laquelle vous serez convoquée quelques semaines après l’audience.
Aux assises, l’arrêt de culpabilité sera prononcé le jour même, à l’issue d’un délibéré qui peut durer plusieurs heures. Un procès civil suivra immédiatement pour fixer le montant des dommages et intérêts.
Toutefois, s’il subsiste un doute sur la culpabilité de l’accusé, il sera relaxé devant le tribunal correctionnel ou acquitté devant la cour d’assises.
Comme le mis en cause ou le procureur, vous pouvez faire appel d’un jugement ou d’un arrêt, si vous ne le trouvez pas conforme à votre intérêt.
Cette contestation n’est possible pour vous qu’en ce qui concerne le montant de l’indemnisation décidée par la juridiction, tandis que le mis en cause et le procureur peuvent contester la peine et l’indemnisation décidées par la juridiction, s’il les trouve excessives, pour le premier, ou insuffisantes, pour le second.
Le délai d’appel est de dix jours à dater du prononcé du jugement ou de l’arrêt. Le dossier sera alors examiné à nouveau par d’autres juges à un second degré de juridiction : la chambre correctionnelle de la cour d’appel ou la cour d’assises statuant en appel (loi n° 2000-516 du 15 juin 2000).
Vous pouvez également former un pourvoi à la cour de cassation dans un délai de cinq jours de la décision définitive. Cela ne permet pas de ré-examiner les faits. La cour de cassation s’assure que la loi a été bien appliquée et que la procédure a été respectée. En présence du contraire, elle casse l’arrêt et l’affaire doit être à nouveau jugée.
L’indemnisation
L’auteur de l’infraction a été condamné. Des dommages et intérêts vous ont été octroyés par le tribunal correctionnel ou la cour d’assises, pour réparer votre préjudice physique, matériel et moral.
Si le condamné n’est pas ou peu solvable, la loi prévoit que vous puissiez saisir la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) qui se substitue temporairement au condamné pour vous indemniser.
La juridiction de jugement a l’obligation de vous informer de l’existence de la CIVI.
Vous l’avez peut-être déjà saisie pendant la procédure pour obtenir une provision d’indemnisation. Sinon il vous appartient de saisir la CIVI au tribunal de grande instance de votre domicile ou du lieu de jugement, dans un délai de trois ans à compter de la date de l’infraction ou d’un an à compter de la décision définitive de justice.
Vous constituerez un dossier, avec l’aide de votre avocat qui rassemblera votre demande d’indemnité et les pièces qui la justifient (certificats médicaux, certificat d’incapacité totale de travail ou ITT, arrêts de travail, etc.).
Sachez que l’indemnité réunit différents chefs de préjudice.
L’IPP(incapacité permanente partielle ou atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique).
Le pretium doloris (préjudice de la douleur physique et morale).
Le préjudice sexuel (fonctionnel et psychologique).
Le préjudice d’agrément (incapacité à renouer avec des activités extra-professionnelles antérieures).
Le préjudice moral ou affectif (lorsque l’agression sexuelle a été commise par un proche, une personne de confiance).
Le préjudice esthétique (suite à des violences physiques).
Le crédit thérapeutique (avance en vue d’une psychothérapie à entreprendre), etc.
Dans le mois qui suit sa saisine, la CIVI doit se prononcer sur votre Demande
Sachez qu’au civil comme au pénal, vous avez le droit de faire appel de la décision de la CIVI, si vous la jugez contraire à votre intérêt.
Votre demande sera alors ré-examinée par une autre juridiction d’appel.
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