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Passage pour cause d’enclave : le juge peut retenir un tracé autre que celui demandé

Dernière mise à jour : 16 févr. 2023

Lorsque les propriétaires intéressés sont parties à l’instance, le juge qui constate l’état d’enclave d’un fonds est légalement tenu de déterminer, conformément aux directives légales, l’assiette de la servitude de passage en faveur de ce fonds.


Passage pour cause d’enclave : le juge peut retenir un tracé autre que celui demandé
Passage pour cause d’enclave : le juge peut retenir un tracé autre que celui demandé

Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner (C. civ. art. 682). Le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique. Néanmoins, il doit être fixé dans l’endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé (C. civ. art. 683).


Une demande de servitude de passage pour cause d’enclave et la détermination de l’assiette du passage se trouvent au cœur de la décision rapportée.


Après expertise ordonnée en référé, un propriétaire assigne plusieurs voisins, dont une copropriété et les consorts C., en désenclavement de son fonds. Il demande que la servitude de passage soit fixée selon le tracé n° 1 proposé par l’expert.


En première instance, le tribunal retient ce tracé, qui pèse particulièrement sur la copropriété.


L’affaire allant en appel, le propriétaire demande la confirmation de la décision des premiers juges. La cour d’appel constate à nouveau la situation d’enclave mais retient le tracé n° 3 défini par l’expert, passage qui passe sur les parcelles de la copropriété et des consorts C.

Pourvoi des consorts C., qui reprochent aux juges d’appel d’avoir notamment modifié l’objet du litige en fixant l’assiette de la servitude de passage suivant un autre tracé que celui réclamé par le demandeur dans ses conclusions.


Rejet. Lorsque les propriétaires intéressés sont parties à l’instance, le juge qui constate l’état d’enclave d’un fonds est légalement tenu de déterminer, conformément aux dispositions de l’article 683 du Code civil, l’assiette de la servitude de passage en faveur de ce fonds (§ 4). C’est par conséquent sans modifier l’objet du litige que la cour d’appel a fixé, selon le tracé n° 3 proposé par l’expert, l’assiette de la servitude de passage (§ 5).



À noter :


Le principe énoncé par la Cour de cassation au point 4 de sa décision n’est pas nouveau (pour une formulation proche, voir Cass. 3e civ. 23-4-1992 n° 90-13.071 : Bull. civ. III n° 142, RTD civ. 1993 p. 620 obs. F. Zenati). De même, les Hauts Magistrats ont déjà eu l’occasion de préciser que le juge n’est pas lié par la localisation de l’assiette du passage contenue dans la demande, laquelle doit toujours être interprétée comme une demande générale de détermination de l’assiette de la servitude (F. Zenati, précité, évoquant Cass. req. 2-11-1938 : JCP 1939 II n° 966).


Ainsi cette affaire nous semble-t-elle illustrer l’opportunité, en cas d’action en désenclavement, d’appeler en cause tous les voisins du fonds enclavé et tous les propriétaires des fonds interposés entre celui-ci et les voies les plus proches car c’est au juge de déterminer le ou les fonds sur lesquels le passage devra s’effectuer (J.-L. Bergel, S. Cimamonti, J.-M. Roux et L. Tranchant : Traité de droit civil. Les biens, LGDJ 3e éd. 2019, n° 398). Les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation pour déterminer le passage répondant aux exigences de l’article 683 du Code civil (Cass. 1e civ. 19-1-1966 : Bull. civ. I n° 47 ; Cass. 3e civ. 6-11-1969 : Bull. civ. III n° 722).


Bien entendu, le propriétaire dont le fonds est enclavé peut toujours s’entendre avec le ou les voisins lui permettant d’accéder à la voie publique et convenir avec eux, de manière amiable, des conditions d’exercice du passage aux termes d’un acte reçu par le notaire.



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